
Dans les journaux dans les salons dans les cantines, on ne parle que du retournement des alliances mondiales. On parle des menaces de guerre et de l’empoignade historique Trump Zélinsky.
A l’Unité on se prépare à un Kapouchnik délicat. Croit-on vraiment aux menaces de guerre ? Il n’y avait plus un sou dans les caisses de l’Etat, et on voit les milliards affluer pour ré-armer la France.
Alors évidemment, pondre de nouvelles théories sur le théâtre n’est pas la priorité. Cependant la vie culturelle continue avec des nominations, des débats, des prises de position. Et moi je continue de suivre l’évolution des politiques culturelles.
A l’occasion de la sortie d’un nouveau bouquin d’Eugénio Barba, l’envie me vient de parler du tiers-théâtre.
Le tiers -théâtre est un immense continent en France.
Le tiers -théâtre est toute cette partie du théâtre qui vit et prospère hors réseau institutionnel. Il dispose de peu de moyens, soit des subventions territoriales soit des aides du ministère de la Culture mais les sommes allouées restent relativement modestes en comparaison des lieux labellisés.
C’est le metteur en scène Eugénio Barba de l’Odin teatret qui a le premier défini ce concept de tiers- théâtre. Eugenio Barba se qualifie de théâtre laboratoire. Eugenio Barba âgé de 88 ans a toute sa vie théorisé le théâtre, il a édité des dizaines de livres qui font aujourd’hui autorité pour ceux qui s’intéressent à la création et la recherche théâtrale.
Inspiré par Grotovski, L’Odin est sans aucun doute une des compagnies les plus inventives avec une équipe fidèle d’artistes chevronnés, il a un réseau qui s’étend dans le monde entier, surtout en Amérique du Sud.
Eugénio Barba s’est toujours défini dans un espace non institutionnel.
Alors l’Institution `?
Le TNP de Villeurbanne est un Centre Dramatique national bien doté, 11 millions d’euros, or il vient de se faire rogner une partie de sa subvention. Son directeur Jean Bellorini en a profité pour démissionner afin de diriger le théâtre de Carouge à Genève. Cela n’arrive que très rarement : passer d’un établissement national à un théâtre beaucoup plus modeste. Jean Bellorini s’explique,11 millions, certes, mais 85 employés, alors ne restent qu’un million pour la création. Donc dans ce genre de paquebot, tout est compliqué, tout est prévu à l’avance, les marges de liberté sont minimes. La bureaucratie écrase la création.
A l’opposé le tiers- théâtre est léger, mobile, circule dans tous les recoins de la société, est très proche du public.
J’assiste à l’anniversaire des vingt ans d’une petite compagnie Dare Dare. Je suis ébloui par l’atmosphère chaleureuse, par l’inventivité tous azimuts, les bricolages géniaux. Ici on organise le désordre de façon très savante.
Et puis autre exemple le Michto festival près de Nancy. L’organisation est totalement collective, il y a de l’utopie à revendre.
Et puis quand on voit Zingaro à Aubervillers ou le théâtre du Soleil, ce sont des lieux habités par des passions extrêmes où tous les détails sont soignés et un accueil sans pareil.
A l’Odéon théâtre de France, ou à la Comédie Française, il n’y a pas ce moment de l’après spectacle où l’on attend les artistes au bar. La séance est à peine terminée que les portes se referment, on doit attendre la sortie des artistes sur le trottoir.
Julien Gosselin qui a fréquenté la Scène Nationale de Calais le Channel voudrait récréer à l’Odéon ces ambiances chaleureuses.
Evidemment dans le tiers -théâtre, on ne change pas de direction tous les six ans. Bien-sûr Francis Peduzzi à Calais a eu plus de vingt ans pour inventer le Channel. Et quand la Mairie l’a trouvé trop encombrant exigeant son départ, le Ministère de la Culture l’a laissé tomber, et peut être même le Syndeac.
Les Scènes nationales sont -elles condamnées à être des lieux froids et sans âme ?
Avec Hervée de Lafond nous avons voulu prouver le contraire en dirigeant la scène Nationale de Montbéliard transformée par nous en Centre d’Art et de Plaisanterie. L’Utopie a duré neuf ans, nous avons réussi à secouer la ville toute entière et vivre des moments épiques qui vingt ans plus tard laissent encore des traces. Regarder la vie en farce, un de nos slogans.
Qui aurait dit : rien de grand ne peut sortir de l’institution.
Sans doute moi mais je n’en souviens pas.
コメント