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Billet du 11 août 2024. Mon silence

 



C’est arrivé samedi 3 août 2024. 

Sur la ligne 13 vers le stade de France il est 18 heures et je suis pris d’un subit mal au ventre.

Je me dis c’est pas grave, je vais acheter une bouteille d’eau et prendre un Doliprane ça me calmera.

L’Histoire de vouloir assister à un match me vient du passé. J’étais persuadé que je ne pouvais pas rater les Jeux olympiques même un soir symbolique au stade de France. J’ai trop mal très mal. Je me torture sur mon siège, le Doliprane n’a rien calmé. Je ne vois rien, j’ai payé ma place, je n’ose pas dire combien, j’avais tellement envie d’y aller, je m’étais dit pour une fois que t’as un désir réalise-le et voilà je me réfugie  à l’infirmerie. Je voudrais qu’on me ramène en taxi à la maison. Ce service là n’existe pas ici. Alors je me traîne au milieu de dizaines de Cars de CRS, je marche 5 kms en espérant trouver un taxi je me tords de douleurs à l’arrière du véhicule. Arrivé à la maison,je me dis que ça va se calmer dans des bons fauteuils. Je cherche la bonne position,  non rien à faire je souffre autant alors il est 3h30 du matin je fais le 15, c’est très compliqué pour moi car je vais laisser Édith seule à la maison. Elle ne va pas comprendre, je laisserai ma sœur la chercher. Je supplie le 15 de m’envoyer une ambulance car je suis incapable de me rendre à l’hôpital Saint-Joseph tout seul, l’ambulance arrive. Eux ils sont très en forme dimanche matin ils rigolent, l’ambulance a une suspension guerre de 14  et puis je débarque enfin aux urgences. Oui je le dis je souffre :

« Par pitié, je vous réclame une petite pilule de morphine ».Ça me calme doucement. Je ne sais pas ce qu’ils font. Des  assistances respiratoires, des perfusions, un scanner et le pire c’est une sonde urinaire. Une  douleur de 40 000 volts, on vous enfonce un tuyau dans l’urètre, franchement y a des morts qui préféraient disparaître de suite. Je passe la nuit sur un chariot, j’ai l’impression que vers huit heures on m’emmène dans un bâtiment neuf dans une grande chambre. J’ai perdu toute dignité, un tuyau entre les jambes, mon portable se décharge, le câble ne marche plus, faut que je prévienne les enfants, suis -je douillet ?  En Ukraine, je me plaindrais moins, mais l’urologue est roumain. Il dit qu’ il a vu dans le scanner une sorte de kyste s’enflammer. Il me dit qu’il faut tout refaire parce qu’on ne  voit pas assez bien, moi je tente de passer les nuits  à travers quelques moments de sommeil. Il faut colorer le scanner mais les reins ne supporteraient pas le colorant.

Il faut un IRM mais il y a la queue, cinquième nuit à l’Hopital St Joseph. Ma famille s’organise, la voiture est  bloquée au parking de Belfort Montbeliard TGV, il faut rapatrier le chien, ne pas laisser Edith  seule, magnifique ma famille, je suis bien entouré. Incroyable Gaïa , un diamant.

Je vis sous calmant. Je ne peux ni lire ni écrire alors je dicte.

Le staff des Médecins a examiné soigneusement les images de l’I.R.M.. Ils sont formels. L’uretère serait trop étroit. C’est le petit tuyau qui va du rein à la vessie. Donc on va me faire une petit accès supplémentaire. Le médecin me sort un petit tuyau anodin de 20 cm, ils disent qu’ils vont me le faire rentrer par les voies naturelles avec une caméra et l’installer à l’intérieur de mon corps. Voie naturelle ? La verge ! On passe une caméra, le petit tuyau, et une petite pince. Un beau sujet pour Houellebecq . 

Vais -je être sauvé ? Opération programmée. Je suis à jeun à minuit pour le lendemain, opération reportée au soir, je crève de soif sans compter les attaques diaboliques dans le rein. De nouveau c’est reporté, deux blocs sur 3 sont fermés.  Puis samedi 9  h, on toque : prenez votre douche, endossez le kit de l’opèré de couleur bleue. Une endoprothese c’est un peu plus de dix minutes. Les brancardiers foncent dans les couloirs étroits, les pancartes défilent. Naissances réanimations etc.  Deux yeux derrière un masque l’anesthésiste, italienne ou brésilienne.

On me demande de choisir une musique pour l’endormissement. Je prends les Beatles.

Le réveil est très long, je ne veux pas écouter les conversations du personnel infirmier, rien sur les JO uniquement les vacances. 

Edith Dana Christophe Gaïa m’attendent

Je n’aurais pas la sonde urinaire, j’irais très bien. J’ai du mal à accepter ce tuyau au bout du pénis.

Mes bras sont bleus, déjà dix prises de sang sans oublier les perfs.

Dana dit : nous les femmes nos corps sont soumis à des épreuves continuelles. Et on ne gémit jamais.

Effets collatéraux : je suis trop sensible. Les manifestations racistes en Angleterre me font pleurer, le regard d’Edith, des cadavres à Gaza, même les 6,25m de Duplantis à la perche. J’évite le téléphone je suis trop touché.

23h16 Stéphane Curry crucifie la France au basket, tant mieux ça évitera les effluves tricolores et la récupération par Macron évidemment présent à Bercy pour un USA France historique.


Je voudrais raconter cette horrible histoire mais voir ma verge affublée d’un tuyau de plomberie, mon bras gauche carrefour des antibiotiques, la phlébite qui guette, l’immobilité de mes jambes,  je ne peux pas,,la littérature raffole de ces matériaux mais mon corps n’est pas une planche d’appel même si Rimbaud a décrit mon enfer, je ne peux pas,  l’Art a besoin de distance.

Je dédie cet enregistrement à tous ces amis «  qui m’entourent comme des gardes fous ».





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