Tous les gens qui écrivent vont mal, les gens qui vont bien n’écrivent jamais. On écrit pour extirper ce qui nous dévore de l’intérieur. Certains boivent une vodka au petit déjeuner, et puis d’autres font du yoga, et puis aussi on peut s’étourdir dans la course à pied.
Depuis la mort de mon premier chien Rex quand j’avais dix sept ans je tiens des journaux qu’on appelle intimes. Presque tous perdus, inintéressants, superficiels, pas profonds. Et puis la séparation des parents, je ne suis plus avec ma mère, alors j’ai avec elle une correspondance frénétique. Elle m’a laissé à sa mort un carton avec toutes mes lettres. Je prends conscience dans ma graphomanie que je ne cesse jamais de me plaindre à ma mère.
Ma mère avait un parcours fou : née à Moscou, exilée enfant à Berlin, c’est là qu’elle a fait sa scolarité, puis adolescente en France puis remariée à Londres, donc elle parlait toutes ses langues qu’elle mélangeait allègrement et aussi les coutumes de chaque pays, on passait de la Vatrouchka au Christmas Pudding , du nouvel an russe à Rosch Hochanna, Noël bien sûr et dans les enterrements elle murmurait des kaddisch. Elle était d’un optimisme joyeux, elle aimait la culture germanique et était certaine que les allemands étaient incapables de faire le moindre mal car ils étaient protégés par Goethe, Schiller, Bach.
Dès qu’il y avait du prurit antisémite dans l’air elle disait : les juifs moins on en parle, mieux ça vaut.
On entend Macron parler de nos compatriotes de confession juive, c’est nouveau ça, confession juive ? Ce matin dans le journal, on a le profil des actes antisémites de ces derniers jours, des pauvres bougres sans cerveau. Les inévitables spécialistes des chaines de télé continues nous annoncent avec beaucoup de sérieux que la remontée de l’antisémitisme est lié au conflit du moyen orient. Belle découverte. Et depuis que Macron a déclaré qu’être hostile à la politique d'Israël c’est être antisémite, me voila devenu juif antisémite.
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